T O U R N E S – 13.09.2015

Madame, Mademoiselle, Monsieur,

 

Notre présence en ce jour particulier est un honneur que vous nous offrez.

 

Sur son petit nuage, Pierre CARTELET doit savourer. A ses côtés, ses quatorze compagnons du drame du BOIS DE LA REULLE et les treize de celui de la Rosière doivent partager l’émotion.

 

Pierre a retrouvé son identité !!!!!

 

Enfin, Louis et Zélia ont retrouvé leur fils. Jeanne et Maurice, leur frère, Marie-Claude et Jean-Louis, leur oncle. Et même si il a décidé de rester à Castelmaurou auprès de ses compagnons martyrs, son esprit ne cesse de vagabonder entre ses Ardennes natales et les terres du sud de la France, qui l’ont vu résister à l’occupant nazi et leurs collaborateurs zélés dans les Pyrénées Orientales et en Haute-Garonne.

 

     Le BOIS DE LA REULLE,  où la barbarie a aussi marqué son empreinte indélébile, est limitrophe de deux communes, GRAGRAGUE et CASTELMAUROU, posées à une quinzaine de kilomètres de Toulouse.

 

     Le 27 Juin 1944, il fut le théâtre de l’assassinat de quinze résistants retirés de la prison Saint Michel située dans la ville rose.

 

     Après la libération du département concrétisant les combats des 19 et 20 août dans la métropole toulousaine, les corps sommairement recouverts d’une terre, qu’ils avaient eux même creusée avant d’être fusillés par les SS de la division DAS REICH, furent exhumés par les mains des prisonniers de la Wehrmacht devant les populations horrifiées.

 

     Dix furent identifiés par leurs proches et inhumés dans le caveau familial.

 

     Les cinq anonymes furent dirigés vers un cimetière toulousain dans un premier temps.          En avril 1990, le conseil municipal de la  commune de Castelmaurou, sous l’autorité de son maire Lucien POUGET, les accueillit dans un caveau dédié.

 

     Depuis 2006, un groupe de recherches composé de bénévoles, de gens de bonnes volontés imprégnés du devoir de mémoire, s’est fixé comme but de leur rendre leur identité.

 

     L’apprentissage fut compliqué et long.  Tout en tâtonnant, il fallut aborder, gérer, développer les recherches dans les Archives en France et à l’Etranger, celles des familles concernées  , les démarches scientifiques pour effectuer les prélèvements sur les restes des cinq corps, ainsi que les comparaisons ADN grâce au Laboratoire de l’Institut Médicolégal de la Faculté de Médecine de Strasbourg, celles juridiques pour obtenir les autorisations du Tribunal de Grande Instance de Toulouse.

 

     Il convient après ce tour d’horizon succinct dans les mots mais si adepte de l’évolution du temps de saluer les disponibilités, les compétences et les gentillesses du Professeur Bertrand LUDES, des docteurs en anthropologie, Mesdames Tania DELABARDE et Christine KEYSER de la faculté de Médecine de Strasbourg et de Monsieur Jean-Michel PELTIER, Procureur de la République Adjoint de Toulouse.

 

     Présents dans notre délégation en ce jour éminemment et émotionnellement particulier Madame Tania Delabarde représentante de l’Institut Médicolégal, Monsieur René Durand, de l’équipe municipale de 1990, Madame Andrée et Monsieur Louis Gibert responsable du Souvenir Français de Castelmaurou Toulouse Nord qui sont notre conscience humaine.

 

     Merveilleuse et humaine aventure que celle-ci … Elle ne fut pas vaine.

 

Elle nous permet d’apprécier, à ce jour,  trois identités offertes à des familles qui, enfin, ont pu entamer un deuil, ce qu’elles attendaient depuis sept décennies.

En 2012, Charley de HEPCEE, Major de l’Armée de l’Air Royale de Belgique, a pu rejoindre son épouse Micheline de SELYS LONGCHAMPS dans leur demeure éternelle élevée sur la propriété du château d’Halloy à CINEY-BRAIBANT à côté de Dinant, dans la province de Namur.

 

 

 

 

         Préparant notre voyage pour vous rejoindre, qu’elle ne fût pas notre agréable surprise de constater que Micheline et Charley furent vos proches voisins, tant la distance pouvant vous relier n’est pas grande. Ainsi, lorsque notre premier périple du 24 Juillet 2012 leur a permis de se retrouver, nous étions loin de nous imaginer ce retour vers le présent.

 

 

          En 2013, Marcel JOYEUX, l’un des adjoints de Serge RAVANEL, chef national des Groupes Francs est revenu près de Marguerite à JAUNAY-CLAN, près du Futuroscope de Poitiers.

 

      Enfin, depuis septembre dernier, Zélia et Louis connaissent ce qu’il est advenu de Pierre, leur fils.

 

     Bien trop tôt disparu, emporté par la folie de l’histoire des hommes, il fut fait prisonnier dès l’avancée sauvage d’une horde au service de la barbarie, de la négation de l’être humain, du fascisme. Evadé, il trouva dans les Pyrénées Orientales la possibilité de se noyer dans l’anonymat  et la rencontre avec l’Honneur, qu’il pensait perdu, grâce à Laurence et Charles Blanc.

Les trois patriotes trouveront et intègreront alors la Résistance organisée en Pays Catalan alors que Pierre gérait ses responsabilités au sein des Compagnons de France d’obédience Maréchaliste.

De Thuir à Prades, de Eynes à Perpignan, son action dans le Réseau « Bourgogne », organisant sans cesse le passage des patriotes en Espagne et dans celui de Marie Madeleine Fourcade «  Alliance », attirera sur lui les foudres de la Gestapo qui le condamnèrent «  A mort » par contumace !

 

     Ses proches ami(e)s arrêtés, son sort étant scellé, plutôt que de se faire oublier et de passer la frontière pour rejoindre Londres via l’Espagne et le Portugal, il décida de poursuivre le combat à Toulouse….jusqu’à affronter de son dernier regard la gueule des fusils assassins…. 

 

      Fier de cette identité et de cet honneur brandis aux côtés de ceux de Charley et de Marcel, comme eux, il sourit vers leurs deux  voisins encore inconnus qui piaffent d’impatience.

 

 

     Puissent-ils, ces derniers, peindre leur destin afin de leur offrir les couleurs de la joie et de l’aboutissement de note engagement.

 

     En guise de conclusion de ce modeste témoignage, qu’il nous soit permis de remercier avec beaucoup d’affection Madame le maire de Tournes, Madame Cécile Muller, ainsi que son Conseil Municipal et le personnel de la mairie, notamment Agnès Woiline qui, en relation constante avec notre ami Jean Daniel Gaudais  maitre d’œuvre de cette recherche particulière, s’est assurée, à notre demande, de l’entretien du caveau et nous a envoyé les photos où apparaissait l’inscription «  A la mémoire de Pierre Cartelet ».

     Cette heureuse initiative nous a confirmé l’absence de Pierre dans la sépulture familiale et la nécessité de poursuivre notre démarche.

 

 

     Alors que se présente l’instant d’achever cette courte allocution, qu’il nous soit permis de formuler une requête qui, nous n’en doutons pas, va retenir votre assentiment.

 

     Evidemment, les semaines et les mois à venir vont se bousculer pour la mettre à mal avec cette promiscuité qui se présente en habits de mauvais temps, de grisailles et de froid.

 

     Mais dès que l’occasion se présentera,  dès que les beaux jours vont irradier votre magnifique région des Ardennes et qu’à la fin de la journée la nuit va étendre ses grandes ailes, n’hésitez pas à lever la tête vers le ciel rempli d’étoiles.

    Car dans chacune d’entre elles, à partir d’aujourd’hui, il y aura un peu de Pierre Cartelet qui vous regardera avec amour, le sentiment du devoir accompli et la certitude que son sacrifice ne sera jamais vain !

 

                   Groupe de Recherches

                                    Des Fusillés du Bois de la Reulle

 

                              GRAGNAGUE-CASTELMAUROU